Le Bénin vient de renforcer le dispositif de commercialisation de la noix de cajou. En date du 6 avril, le conseil des ministres a annoncé l’instauration d’un prélèvement supplémentaire de 50 F CFA par kilogramme de noix brute de cajou exportée. Ceci, indépendamment de la taxe de 10 F CFA prévue par la loi des finances gestion 2017.
Ce prélèvement est liquidé au cordon douanier avant toute exportation, précise un communiqué officiel. Par ailleurs, précise-t-il, «l’exportation de la noix de cajou brute par voie terrestre [devient] interdite». Pour les autorités, il s’agit de corriger un “excès” de compétitivité de la noix de cajou béninoise, faiblement taxée à l’export à l’inverse, précise le communiqué du conseil des ministres, des produits concurrents d’Afrique de l’Ouest, notamment de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigeria. “Cette compétitivité était devenue un frein au développement de l’industrie de transformation des noix de cajou en Afrique en général et au Bénin en particulier, à cause de la forte pression de la demande internationale”, explique le communiqué dudit conseil des ministres.
Cette décision qui, selon le gouvernement, vise à réduire la pression de la demande et la forte spéculation, n’est pas du goût de l’opinion qui dénonce une décision anticonstitutionnelle. Des commerçants ont introduit un recours afin d’invalider une mesure contraire aux dispositions de la loi béninoise et des accords communautaires.
En effet, aux termes des articles 96 et 98 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, la prérogative de fixer des taxes ou prélèvement douanier reste la compétence exclusive de l’Assemblée nationale. « L’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature», précise le texte.
Par ailleurs, l’interdiction d’exportation par voie terrestre annoncée par Cotonou est contraire à l’esprit de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont le traité, en son article 4, rappelle que l’organisation vise à créer entre les Etats membres, « un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux, et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ».
Cette mesure s’ajoute à un dispositif mis en place depuis le début de l’année pour organiser et contrôler la filière de l’anacarde, deuxième produit de rente après le coton. En effet, un arrêté conjoint du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat et celui de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche fixe des cautions bancaires de 5 millions de FCFA pour la commercialisation intérieure de la noix de cajou et 20 millions pour l’exportation du produit.
A ces mesures draconiennes, s’ajoute cette nouvelle taxe à l’export destinée officiellement à encourager la transformation locale (laquelle jouit d’une prime tirée de la taxe de 10 FCFA le kilo) mais qui risque d’avoir d’importantes répercussions sur la présente campagne de commercialisation de la noix de cajou qui a démarré le 3 mars et se terminera le 31 octobre avec un prix plancher d’achat au producteur fixé à FCFA 500 le kilo contre 300 FCFA le kilo lors de la campagne précédente. Ce prix sensé faire passer la production de 120 000 à 300 000 tonnes d’ici 5 ans est plus compétitif que les 440 FCFA le kilo fixé par la Côte d’Ivoire.
La noix de cajou en provenance du Bénin et du Ghana est négocié à 2000 dollars la tonne dans des marchés asiatiques comme le Vietnam, premier transformateur mondial de ce produit devant l’Inde et le Brésil.
L’Afrique de l’Ouest produit 1 700.000 tonnes réparties entre la Côte d’Ivoire, premier producteur avec 750 000 tonnes en 2016, soit 47%), la Guinée Bissau (225 000 tonnes, 14%), le Nigeria (160 000 tonnes, 10% de la production) et le Bénin (125 0000 tonnes, 8% de la production). A noter une absence de concertation entre la plupart des pays africains qui n’appliquent pas les mêmes taxes, les mêmes prix planchers et les mêmes normes. Un tiers des récoltes serait ainsi alimenté par des réseaux souterrains et à travers des pays voisins, ce qui représente un énorme manque à gagner pour l’Etat.
Les principaux consommateurs de la noix de cajou (à ne pas confondre avec les transformateurs) sont l’Inde (200.000 t), les Etats-Unis (150.000 t), l’Union européenne (110.000 t), la Chine (50.000 t), les Emirats Arabes unis (15.000 t) et l’Australie (15.000 t).
Par : Nephthali Messanh Ledy© Financial Afrik,
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